L’horlogerie française est de retour
Voici trois marques qui revendiquent leurs spécificités et portent haut les couleurs du savoir-faire horloger français.
L’horlogerie française est étroitement liée à l’horlogerie suisse depuis leurs origines. Les savoir-faire ancestraux ont souvent été partagés des deux côtés du Jura. Avec le temps, le Swiss Made a pris une place centrale dans l’horlogerie mondiale mais le Made in France existe toujours. La passion de nouveaux indépendants français et l’engouement croissant pour la transparence est en train de lui redonner un nouvel élan.
Depancel, crowdfunding et juste prix
Clément Meynier, fondateur de Depancel, n’en ai pas à son premier coup d’essai. Il avait lancé en 2016 la marque de montres en bois à quartz Koppo. Ce Français, passionné d’horlogerie, a eu envie de créer une nouvelle marque horlogère en s’inspirant de son autre passion, les vieilles automobiles françaises : Delage, Panhard, Facel Vega. D’où le nom Depancel en hommage à ses fleurons disparus de l’industrie française. La motivation va plus loin puisqu’il affiche aussi une volonté de préserver les savoir-faire locaux afin de perpétuer la tradition horlogère de l’autre côté du Jura. Un projet ambitieux et louable, doublé d’une démarche conjuguant esthétique et élégance française avec la transparence nécessaire au ‘Fabriqué en France’. Afin de garder les prix à des niveaux très raisonnables il a opté pour un financement participatif pour créer une communauté fidèle à qui vendre en direct, supprimant ainsi les coûteux intermédiaires de distribution.
Transparence oblige, Depancel nous dévoile ouvertement ces fournisseurs :
- Aiguilles : La Pratique, Morteau
- Boîte : Chine
- Décoration, assemblage et réglage du mouvement : NovoParts, Sancey
- Mouvement : Miyota, Japon
- Bracelet : Sibra, Besançon
- Packaging : Manufacture Jacquemin, Cramans
Si toutes les marques opéraient de la sorte, nous aurions de belles surprises !
Si toutes les marques opéraient de la sorte, nous aurions de belles surprises ! Mais je digresse. Les trois modèles proposés dans cette première collection sont de belle facture. Les design sont classiques et élégants.
La Auto 24H et son Miyota 9120 arbore trois sous-compteurs : les jours à 9 heures, les mois à 3 heures et un compteur 24 heures à 6 heures pouvant indiquer un deuxième fuseau horaire très utile. Un guichet pour la date entre 4 et 5 heures complète ce cadran très lisible et équilibré qui se décline en noir, argent et noir et panda dans un boîtier en acier 316L (noir, gris ou doré). Les index facettés sont rhodiés et emplis de Luminova, comme les aiguilles centrales. Le cadran central est gaufré pour évoquer les détails des vieilles automobiles. C’est très réussi et les finitions sont de belle qualité pour ce niveau de prix. La masse oscillante gravée et peinte en France, visible par le fond saphir, est un bel hommage aux calandres distinctives des fleurons de l’industrie automobile française auxquels elle fait référence. La version Auto 3H est sensiblement la même en plus épurée. Basée sur un calibre Miyota 8215, elle affiche sa date à 3 heures laissant le cadran afficher son gaufrage de qualité dans les mêmes déclinaisons noire, argent et noir ou avec un boîtier doré. C’est efficace et imbattable pour ce prix ( à partir de €349,00). Le dernier modèle est la Quartz 3H avec un calibre Quartz Miyota 2415 offrant 3 ans d’autonomie.
Des trois collections se dégage une impression de qualité et une valeur perçue bien supérieure à leurs prix respectifs. La garantie à vie, hors verre saphir, bracelet et pile quartz est une vraie revendication de cette qualité.
Les petites touches ‘french’ sont discrètes mais donnent un petit plus bien pensé : une fine surpiqure bleu, blanc, rouge à la base du bracelet et un marquage léger sur le cadran encadrant ‘quartz’ ou ‘automatique’ ou dans le sous-compteur de 24H. Malin et subtil…comme une Depancel.
Après avoir collecté près de €250.000 sur Kickstarter, la campagne continue sur indiegogo.com ce qui permet encore d’acquérir ces petites perles françaises à prix préférentiels (de €199,00 à €499,00) pour une livraison en Septembre 2018.
MW&Co, conception française, design disruptif et French Touch exclusive
Romain Mussato est un horloger passionné de toutes les constructions mécaniques de l’homme. Il est le fondateur de MW&Co. Florian Cayrouse est un designer génial qui donne vie aux idées les plus folles de ces partenaires. Alain Carrere est un globe-trotter empreint de cultures internationales, féru des codes du luxe, qui s’occupe du développement commercial de la jeune marque, soutenu par Robert Henri Fourtalin pour le marketing. Ils ont décidé de créer eux-mêmes la montre dont ils rêvaient. Un garde-temps qui reflète les fondamentaux de ce que doit être une vraie création horlogère à leurs yeux : le mariage parfait de l’émotion et de la technique, l’Asset 2.1.
C’est une montre unique en son genre. Série limitée à 20 pièces, elle offre une première mondiale exclusive : des cornes à vérins permettant un ajustement totalement optimal à tous les poignets. Une prouesse technique requérant pas moins de 14 micro composants exclusifs, ajustés au micron, développés pour chaque corne. L’Asset 2.1 offre de surcroît un boîtier unique de 77 micro composants créés, eux aussi, spécialement pour MW&Co. La marque joue d’office la carte de la rareté et de l’excellence. Le but est d’offrir des possibilités innombrables de personnalisation aux futurs clients. La structure alvéolaire de la boîte de 46mm en titane grade 5 décuple encore cette possibilité. C’est totalement innovant, technique et bien réfléchi.
Ces cornes exclusives, dénommées ‘Damper’, sont directement inspirées des amortisseurs de MotoGP. MW&Co a réussi à ancrer sa production localement en allant puiser dans les savoir-faire de pointe de l’industrie française aéronautique, seuls aptes à développer l’usinage et le façonnage requis pour une pièce horlogère de ce niveau. De même pour la conception, la fabrication, la finition et l’assemblage de tous les éléments en saphir, du bracelet et de l’écrin : tous sont effectués en France. Une volonté farouche de la jeune équipe qui souhaite redonner à l’horlogerie française ces lettres de noblesse.
Quid du calibre me direz-vous ? Seul un chronographe, technique et sportif, pouvait venir s’insérer dans une boîte aussi incroyable. Ils auraient pu faire appel au sempiternel Valjoux 7750 mais ont préféré se tourner vers une autre manufacture mythique : Eterna. Cette dernière leur a fourni le calibre 3916A. Un modèle de chronographe flyback aussi technique qu’esthétiquement beau avec ses deux roues à colonnes. L’Asset 2.1 affirme ainsi encore plus son côté instrument de mesure ultra précis : un atout supplémentaire auprès des collectionneurs auxquels elle se destine.
Les finitions micro-billées de la boîte jouent aussi les codes ‘racing’. Son cadran ajouré en aluminium avec ses index, usinés dans la masse, remplis de Superluminova, évoque encore les calandres de super-cars et renforce cette sensation d’être en présence d’un outil de course. Les deux sous-compteurs et leur peinture vert fluo finissent de créer l’émotion de piloter un bolide à son poignet. Ils ont réussi ! On se prend à rêver en manipulant ce modèle totalement différent, immédiatement reconnaissable, à la personnalité sportive affirmée alliant précision et technicité. La touche ‘Made in France’ en prime. Pour €12.000 HT, cela comblera de nombreux collectionneurs en quête de différenciation.
Phenomen, excellence du design, technicité et plaisir des sens
Alexandre Meyer, fondateur de Phenomen, est un designer automobile, bercé d’innovation et de technicité, à la tête de son studio de design depuis 2011. Passionné de montres, il en esquisse depuis des années et décide de les concrétiser. Sylvain Nourisson, est horloger diplômé, chez Christophe Claret puis chez La Joux-Perret où il réalise de nombreux développements pour Arnold & Son et Angelus. Il a rejoint Phenomen en 2017 en tant que directeur technique et opérationnel, pour accélérer le développement de l’entreprise. De ce partenariat est né Axiom, la première création de la marque indépendante basée à Besançon.
Honnêtement, c’est un véritable bijou. Pourtant, je suis plutôt classique dans mes choix horlogers. Mais là, je suis bluffé ! Quelle réussite ! Le garde-temps est d’une originalité totale tout en étant portable grâce à ses dimensions serrées de 47mm de long, pour 42mm de large et 17,3mm d’épaisseur. Il combine de manière ultra efficace une grande complexité technique et architecturale avec une émotion puissante qui donne envie de le caresser, de le toucher, de sentir la douceur du passage des heures et des minutes qui sautent avec la souplesse d’un chat. Mais j’en ai déjà trop dit. Revenons à la montre.
Grâce à un tissu local d’expertise, Phenomen réussit à faire produire en France nombre des près de 300 composants qui forment l’Axiom.
Le mouvement PH-010, dessiné en interne, reste cependant produit en Suisse avec des partenaires réputés pour l’excellence de leur savoir-faire comme Atokalpa, Prototec et Mimetec. Il délivre une réserve de marche impressionnante de plus de 100 heures. Le résultat est un spectacle en amphithéâtre d’une grande clarté. Toute la structure du mécanisme a dû être repensée pour arriver à cette disposition si particulière. On croit avoir l’avant d’une supercar au poignet. Les heures sont sautantes et les minutes rétrogrades. Elles occupent l’avant du fuselage. Leurs réglages se font par deux mollettes situées à 12 heures tels deux échappements de voiture de course. Leur manipulation est d’une douceur infinie, d’une sensualité enivrante.
Au sommet du garde-temps trône l’organe réglant, qui semble déconnecté de tout le reste. Sensation accentuée par le balancier ouvert en forme de double hache qui oscille à une fréquence de 4Hz. Sa position haute permet d’admirer à loisir son degré de finition digne des meilleurs. On est dans la haute horlogerie incontestablement, mais aussi dans la mécanique de précision des instruments marins construits en étage…et surtout dans l’automobile de rêve avec cette carrosserie superlative. Usinée en France en 7 parties, cette boîte en titane est toute en courbes et en lignes épurées. Les finitions sont multiples et alternent surfaces micro-billées ou satinées, angles saillants ou arrondis, poli miroir ou brossés. C’est un foisonnement de travaux de surface d’excellence. On retrouve des finitions semblables sur le mouvement visible au dos avec un colimaçonnage très élégant des doubles barillet.
Ce garde-temps est un parfait reflet de ce que peut être la haute horlogerie indépendante ‘Made in France’ : un design original et fort, une mise en scène de la lecture de l’heure complexe, des finitions très haut-de-gamme. Un véritable premier tour de force qui redéfinit le luxe horloger français. Une marque à suivre de près. Pour € 58.000 HT, les 60 pièces de cette série limitée devraient trouver leur public de collectionneurs. C’est tout ce qu’on leur souhaite.