Ulysse Nardin SIGATEC : nom de code « Si »
Véritable première en 17 ans de production, il a été possible de pénétrer dans la « clean room » de chez SIGATEC à Sion en Suisse, pour voir de près comment les composants en silicium étaient fabriqués. Entrée dans l’univers de l’infiniment pur.
Le silicium sous forme de sable de silice constitue l’un des éléments chimiques les plus abondants sur terre. Toutefois, il n’existe pas naturellement à l’état métallique, mais sous forme de dioxyde ou de silicates. Connu et employé dans l’univers électronique depuis les années 1960-1970, son découpage micrométrique pour les capteurs de mouvements des airbags de voitures dans le courant des années 1980 a permis de faire des progrès significatifs à cette technologie.
Au commencement était le sable
La gravure profonde par Photolithographie DRIE (Deep Reactive Ion Etching) dans le silicium permet des usinages en série dans le silicium pur avec des tolérances de l’ordre du micromètre (micron). Si les premières expérimentations horlogères connues de ce métalloïde pur ont été pratiquées par le bureau de Recherche et développement de la manufacture Ulysse Nardin et présentées dans la montre Freak en 2001, on notera que le groupe formé des horlogers Patek Philippe, Rolex et le Swatch Group a très tôt également travaillé conjointement avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), l’institut de microtechnique de l’Université de Neuchâtel (IMT), le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) et le COMLAB.
Cette collaboration a permis d’aboutir à un processus de fabrication fiable des spiraux et des autres composants utiles aux montres mécaniques. Et ces travaux ont donné lieu à un dépôt de brevet sur le spiral qui porte plus précisément sur son oxydation de surface destinée à le rendre thermiquement stable.
Maîtriser une technologie de pointe
Ce matériau en vogue chez les horlogers en raison de sa dureté, de sa légèreté, de sa pureté et sa faculté à être insensible au rayonnement magnétique, sert en particulier à la fabrication en série de composants électroniques depuis des décennies. Mais des entreprises comme MIMOTEC (partie prenante à 50% de SIGATEC avec Ulysse Nardin) ont très tôt saisi l’intérêt pour les horlogers confrontés à la pression sur les livraisons des spiraux métallique et autres composants fins des échappements horlogers mécaniques en partie détenus par le Swatch Group, tout l’intérêt qu’il pourrait y avoir à développer une technologie permettant la fabrication normalisée et en quantité de composants ultra précis en silicium.
De ce constat devait naître en 2006 la société SIGATEC aujourd’hui spécialisée dans la fabrication de composants en silicium pour l’horlogerie et de certains composants pour les marques horlogères disposant de l’agrément pour l’usage du brevet déposé par le CSEM. Marc-André Glassey, le patron de SIGATEC disait à ce propos qu’il était aujourd’hui capable de faire des spiraux d’une fiabilité incroyable mais qu’il lui fallait attendre l’horizon des années 2020 et l’échéance du brevet CSEM pour pouvoir livrer avec sa version toutes les marques susceptibles de vouloir disposer d’assortiments en silicium capables de garantir une précision supérieure.
Au Cœur de la matrice de SIGATEC
En l’occurrence, la technologie totalement maîtrisée dans les ateliers SIGATEC de Sion permet aujourd’hui de réaliser pour Ulysse Nardin et d’autres entités industrielles, différents composants en silicium rentrant dans la fabrication d’une montre. Pour cette manufacture, le nombre d’éléments produits est évidemment important puisque la maison est allée loin dans la mise en valeur de ce matériau qu’elle a été la première à valoriser en élaborant dans ce matériau, des roues d’ancre, des ancres, des balanciers, etc. On a dit bien des choses sur ces composants, mais la question de savoir comment ils sont fabriqués n’est que très rarement évoqué.
C’est pour répondre à cette interrogation que le la marque à l’ancre a choisi de faire visiter pour la première fois sa salle blanche à quelques journalistes techniques. Celle-ci se trouve dans les locaux SIGATEC de Sion. Pour y pénétrer, il faut évidemment s’équiper car il n’est pas question d’y faire entrer une seule poussière qui pourrait compromettre la qualité de la production. Une fois passé le sas en surpression, il faut mettre la combinaison neuve présentée dans un sac sous vide. Mais attention, pour la mettre, il ne faut en aucun cas faire toucher une de ses partie au sol. Une fois passée, il faut mettre un masque, des bottes spéciales et couvrir sa tête avec une capuche puis passer des gants sans toucher à la surface extérieure. Une fois cela fait, le sol collant attrape les dernières particules de poussières qui auraient pu échapper à la vigilance de ces experts de la propreté. Une fois entré, ce qui étonne c’est la couleur jaune de l’environnement. Cette lumière anti-UV protège les « wafer » de silicium car les UV contribuent à dégrader les films de masquage servant à la création des composants.
Procédé de fabrication les grandes étapes
Tout commence avec un wafer, un disque de silicium d’une épaisseur calibrée posée sur un substrat de protection. Ce matériau, découpé dans un « lingot » de cristal de silicium est fourni prêt à l’emploi par l’une des quelques usines dans le monde capable de fournir le matériau dans une qualité de pureté absolue et dans les finitions attendues. Une fois le disque sorti de sa boîte de protection il est placé dans une sorte de centrifugeuse afin d’être recouvert d’un film d’époxy chargé de matériaux réactifs aux agents destinés à ne laisser du film initial que celui qui n’aura pas été exposé aux UV de la machine permettant le flashage du masque.
Une fois le solvant évaporé, le wafer présente une couleur irisée et est transféré au flashage. Le masque en verre optique arborant en positif les composants à réaliser décalqués en chrome est collé au wafer puis flashé par un flux ionisé chargé de dégrader la pellicule d’époxy non recouverte par le masque. Une fois rincée dans un bain « Piranha » (bain d’acide formulé spécialement), la partie oxydée du wafer disparaît et laisse ainsi apparaître la forme des futurs composants.
L’ensemble est ensuite placé dans une machine très spéciale d’un coût très élevé (1 million de CHF) disposant d’une cuve dans lequel règne un vide spatial et dans lequel le wafer est bombardé par un flux ionisé qui pratique une découpe de quelques micromètre de profondeur. Une fois réalisé cette découpe grâce au flux, la machine injecte un gaz contenant un polymère à base de téflon qui se dépose de façon isotrope dans le creux formé. Le but : protéger les flancs déjà obtenus contre tout décapage ultérieur par le flux. L’opération est alors répétée jusqu’à obtenir la profondeur requise.
Une fois la succession des flashages réalisés, il ne reste plus aux opérateurs et opératrices qu’à supprimer le substrat permettant au disque d’être manipulé. La surface d’une épaisseur correspondant à celle du composant à produire est ensuite placée dans un four chauffé à une température de 1000 degrés Celsius afin de subir une oxydation de surface propice à assurer aux composants traités une stabilité thermique (principalement les spiraux). Les autres composants sont « coatés » autrement dit recouvert d’une couche de DiamondSyl® afin de leur garantir une dureté importante et une tribologie élevée.
Une fois le disque fini, l’ensemble est contrôlé optiquement et chaque composant conforme est séparé du wafer auquel il n’est plus retenu que par des attaches très fines. Ces emplacements mûrement réfléchis n’ont une fois la pièce séparée, aucune incidence sur le fonctionnement futur du composant réalisé selon des procédés contemporains. Une fois ces éléments rassemblés et conditionnés, ils partent dans les différents ateliers de la manufacture Ulysse Nardin afin d’être assemblés de façon traditionnelle et montés dans les montres pour lesquels ils ont été conçus afin de leur garantir une performance et une précision supérieure à ce que peuvent garantir les même composants réalisés dans des matériaux traditionnellement horlogers selon des procédés classiques.